27 August 2007

Viens te mettre à côté de moi…

Viens te mettre à côté de moi, sur le banc, devant la maison, femme, il va y avoir 40 ans qu’on est ensemble.

Ce soir, et puisqu’il fait si beau, et c’est aussi le soir de notre vie, tu as bien mérité, vois-tu, un petit moment de repos.

Voilà que les enfants à cette heure sont casés et s’en sont allés par le monde, et de nouveau on n’est rien que les deux, comme quand on a commencé.

Femme, tu te souviens, on avait rien pour commencer, tout était à faire, et on s’y est mis, mais c’est dur, il faut du courage, de la persévérance, il faut de l’amour et l’amour n’est pas ce qu’on croit quand on commence.

Ce n’est pas seulement ces baisers qu’on échange, ces petits mots qu’on se glisse à l’oreille, ou bien de se tenir serrés l’un contre l’autre. Le temps de la vie est long, le jour des noces n’est qu’un jour, c’est ensuite, tu te rappelles, c’est seulement ensuite qu’a commencé la vie. Il faut faire, c’est défait. Il faut refaire, et c’est défait encore.

Les enfants viennent, il faut les nourrir, les habiller, les élever, ça n’en finit plus. Il arrive aussi qu’ils soient malades; tu étais debout toute la nuit. Moi, je travaillais du matin au soir.

Il y a des fois qu’on désespère et les années se suivent et on n’avance pas.

Il semble souvent qu’on revient en arrière. Tu te souviens, femme, tous ces soucis, tous ces fracas.

Seulement, tu as été là, on est resté fidèle l’un à l’autre, et ainsi, j’ai pu m’appuyer sur toi, et toi, tu t’appuyais sur moi.

On a eu la chance d’être ensemble. On s’est mis tous les deux à la tâche, on a duré, on a tenu le coup. Le vrai amour n’est pas ce qu’on croit, le vrai amour n’est pas d’un jour, mais de toujours.

C’est de s’aider, de se comprendre, et peu à peu, on voit que tout s’arrange.

Les enfants sont devenus grands, ils ont bien tourné, on leur avait donné l’exemple. On a consolidé les assises de la maison, que toutes les maisons du pays soient solides et le pays sera solide, lui aussi.

C’est pourquoi, mets-toi à côté de moi et puis regarde, car c’est le temps de la récolte, et le temps des engrangements.

Quand il fait rose, comme ce soir, et une poussière rose monte partout entre les arbres, mets-toi tout contre moi, on ne parlera pas, on n’a plus besoin de rien se dire, on n’a besoin que d’être ensemble encore une fois, et de laisser venir la nuit dans le contentement de la tâche accomplie.

Charles Ferdinand Ramuz

5 comments:

Anonymous said...

Bé, naltres només portem 31 anyets junts ... però és tot un poema. Veig que això é un lloc bastant comú, al menys en lo món que mos envolta. En castellà, català, francès, hom expressa experiències i sentiments sempre intensament personals, i a la vegada sempre demostrant que lo cor de l'home és lo espill de l'altri.

P y M X.L. said...

Ans al contrari, petite fille, molt contents d'haver col.laborat en aquest blog tan interessant. Si, realment, quan la Myriam i jo el vàrem llegir junts per primera vegada el març de 1975, aquest relat ens va colpir, ja que expressa molt bé unes sensacions que llavors no coneixíem, no estàvem ni casats, però el vam fer nostre, desitjant que el Senyor en permetés de poder viure una vegada aquestes paraules. Bé no fa 40 anys, però si 31 els mateixos que l'oncle de la jungla, el germà i amic Doulos i la seva estimada esposa. Bé a Ramuz, només li hagués faltat parlar de Déu, per convertir-lo en un text perfecte.

Bon dia a tothom

Anonymous said...

que sí que sí...jejeje

Anonymous said...

quiero decir que no me he enterado de nada XD a ver si me lo traduces ok?

Anonymous said...

Et deix amb un somriure quasi imperceptible a la cara, però molt profund dins del cor.